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JEUNESSE DE CHARLES VI

masqué, pour dispenser de rougir. La présence du roi, la sainteté du lieu, n’imposèrent en rien. La foule s’était enivrée d’une attente de trois jours. Ce fut un véritable Pervigilium Veneris ; on était aux premiers jours du mois de mai. « Mainte demoiselle s’oublia, plusieurs maris pâtirent… » Serait-ce par hasard dans cette funeste nuit que le jeune duc d’Orléans, frère du roi, aurait plu, pour son malheur, à la femme de son cousin Jean-sans-Peur, comme il eut ensuite l’imprudence de s’en vanter[1] ?

Cette bacchanale près des tombeaux eut un bizarre lendemain. Ce ne fut pas assez que les morts eussent été troublés par le bruit de la fête, on ne les tint pas quittes. Il fallut qu’ils jouassent aussi leur rôle. Pour aviver le plaisir par le contraste, ou tromper les langueurs qui suivent, le roi se fit donner le spectacle d’une pompe funèbre. Le héros de Charles VI[2], celui dont les exploits avaient amusé son enfance, Duguesclin, mort depuis dix ans, eut le triste honneur d’amuser de ses funérailles la folle et luxurieuse cour.

Les fêtes appellent les fêtes ; le roi voulut que la reine Isabeau, qui, depuis quatre ans, était entrée cent fois dans Paris, y fit sa première entrée. Après la noble fête féodale, le populaire devait avoir la sienne, celle-ci gaie, bruyante, avec les accidents vulgaires et risibles, le vertige étourdissant des grandes foules. Les bourgeois étaient généralement vêtus de vert, les gens des

  1. App. 28.
  2. App. 29.