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HISTOIRE DE FRANCE

quelques gens d’armes, et leur homme, Pierre de Craon[1], l’assassin de Clisson, l’ennemi mortel du duc d’Orléans. C’étaient de faibles moyens, mais ce qu’ils y joignirent d’argent, on ne peut le deviner. Or, c’était surtout d’argent que Lancastre avait besoin ; les hommes ne manquaient pas en Angleterre pour en recevoir.

Ce ne fut pas tout. Le duc de Bretagne étant mort peu après, sa veuve, qui avait vu Lancastre à son passage, déclara qu’elle voulait l’épouser. Cette veuve était la fille du terrible ennemi de nos rois, de Charles-le-Mauvais. Rien n’était plus dangereux que ce mariage. Le duc de Bourgogne en détourna la veuve, comme il devait ; mais il eut le bonheur de ne pas être écouté ; le mariage se fit au grand profit du duc de Bourgogne, qui, malgré le duc d’Orléans, malgré le vieux Clisson, vint prendre la garde du jeune duc de Bretagne et de la Bretagne, et bâtit à Nantes même sa tour de Bourgogne[2].

Ainsi se formait autour du royaume un vaste cercle d’alliances suspectes. Le maître de la Franche-Comté, de la Bourgogne et des Pays-Bas se trouvait aussi maître de la Bretagne, ami du nouveau roi d’Angle-

  1. La misère força peut-être Craon à cet acte monstrueux d’ingratitude. Il avait dû la grâce de son premier crime aux prières de la jeune Isabelle de France, épouse de Richard II. Voy. App. 34.
  2. De plus, il emmena avec lui le duc et ses deux frères. — Lorsque le jeune duc de Bretagne retourna chez lui, on lui donna, non seulement le comté d’Évreux, mais la ville royale de Saint-Malo, l’un des plus précieux fleurons de la couronne de France. Il n’en resta pas moins à moitié Anglais ; son frère Arthur tenait le comté de Richemont du roi d’Angleterre.