Page:Michelet - OC, Mémoires de Luther.djvu/20

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Luther raconte ailleurs que ces tentations l’avaient réduit à un tel état, que pendant quatorze jours il n’avait ni bu, ni mangé, ni dormi.

« Ah ! si saint Paul vivait aujourd’hui, que je voudrais savoir de lui-même quel genre de tentation il a éprouvé. Ce n’était point l’aiguillon de la chair, ce n’était point la bonne Thécla, comme le rêvent les papistes. Oh ! non, ce n’était point là un péché qui lui eût déchiré la conscience. C’est quelque chose de plus haut que le désespoir causé par les péchés ; c’est plutôt la tentation dont il est parlé dans le psaume : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu délaissé ? » Comme s’il voulait dire Tu m’es ennemi sans cause et comme dans Job : Je suis pourtant juste et innocent. Je suis sûr que le Livre de Job est une histoire véritable dont on a fait ensuite un poème... Jérôme et autres Pères n’ont pas senti de telles tentations. Ils n’en ont connu que de puériles, celles de la chair, qui ont pourtant bien aussi leurs ennuis. Augustin et Ambroise ont eu aussi des tentations et ont tremblé devant le glaive mais ce n’est rien en comparaison de l’ange de Satan qui frappe des poings... Si je vis encore un peu, je veux écrire un livre sur les tentations, sans lesquelles un homme ne peut ni comprendre la Sainte-Écriture, ni connaître la crainte et l’amour de Dieu. »

« ... J’étais malade à l’infirmerie. Les tentations les plus cruelles épuisaient mon corps et le martyrisaient, de sorte que je pouvais à peine respirer et haleter. Aucun homme ne me consolait : tous ceux auxquels