Page:Michelet - Quinet - Des jésuites, 1843.djvu/18

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Ils ne le sentent que trop, et ce sentiment contribue encore à les mettre au dessous d’eux-mêmes… Mal voulu du monde, maltraité des siens, le prêtre de paroisse (regardez-le marcher dans la rue) chemine tristement, l’air souvent timide et plus que modeste, prenant volontiers le bas du pavé !

Mais, voulez-vous voir un homme ? Regardez passer le jésuite. Que dis-je un homme ? Plusieurs en un seul. La voix est douce, mais le pas est ferme. Sa démarche dit, sans qu’il parle : « Je m’appelle légion… » Le courage est chose facile à celui qui sent avec soi une armée pour le soutenir, qui se voit défendu, poussé, et par ce grand corps des jésuites, et par tout un monde de gens titrés, de belles dames, qui au besoin remueront le monde pour lui.

Il a fait vœu d’obéissance… pour régner, pour être pape avec le pape, pour avoir sa part du grand royaume des jésuites, répandu dans tous les royaumes. Il en suit l’intérêt par correspondance intime, de Belgique en Italie, et de Bavière en Savoie. Le jésuite vit en Europe, hier à Fribourg, demain à Paris ; le prêtre vit dans une paroisse, dans la petite rue humide qui longe le mur de l’église ; il ne ressemble que trop à la triste giroflée maladive qu’il élève sur sa fenêtre.

Voyons ces deux hommes à l’œuvre… Et d’abord