Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/33

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SUR L’ÉLÉGIE. 3

plus vigoureux, et, employant les images les plus fortes, elle nous fait rougir de notre lâcheté, et envier les larmes répandues aux funérailles d’un héros mort pour le service de la patrie. C’est ainsi que Tyrtée ranime l’ardeur éteinte des Spartiates, et Callinus celle des habitants d’Éphèse... Lasse enfin de gémir sur les calamités trop réelles de l’humanité, l’Élégie se chargea d’exprimer les tourments de l’amour. Plusieurs poètes lui durent un éclat qui rejaillit sur leurs maîtresses. Les charmes de Nanno furent célébrés par Mimnerme de Colophon, qui tient un des premiers rangs parmi nos poètes; ceux de Battis le sont tous les jours par Philétas de Cos, etc.» Tels sont les détails que l’auteur d’Anacharsis met dans la bouche d’Euclide. Il en résulte que l’Élégie antique s’étendait fort au-delà des limites qu’on se plaît à lui imposer. C’était le genre qui, dans sa noble et majestueuse simplicité, se rapprochait le plus du ton de la poésie épique. Les poètes grecs qui l’ont fait fleurir sont nombreux. Quintilien se borne à citer Callimaque et Philétas, et n’en dit qu’un seul mot; il réserve l’admiration pour Archiloque, plus connu par ses ïambes que par ses vers élégiaques. Il lui trouve du sang et des nerfs, sans observer si ces nerfs et ce sang ne convenaient pas mieux dans la satire. Prodigue de louanges à l’égard d’Archiloque , il se montre plus économe envers Simonide, qu’il juge un peu mince. D’ailleurs il le trouve assez capable d’exciter l’attendrissement: l’éloge est lui-même un peu mince. Le savant rhéteur aurait-il voulu diminuer en faveur des latins le mérite de leurs modèles ? Aurait-il regretté de ne pouvoir appliquer à l’Élégie ce qu’il disait de la satire : tota nostra est ? Mais ne demeurât-il aucune trace de l’Élégie grecque, on retrouverait toutes ses formes , toute sa physionomie dans plusieurs passages du