Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/47

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plus, n’avaient cultivé parmi nous les fleurs dont se couronne l’Élégie amoureuse, il resterait encore sur notre fécond Parnasse un champ stérile.

Clément Marot[1], quelquefois si naïf et si tendre, se montre aussi froid que maniéré dans l’Élégie. Il n’en a guère saisi le ton et le sentiment que dans celui de ses madrigaux qui finit ainsi :

Je n’ai pas eu de vous grand avantage;

Un moins aimant aura peut-être mieux.


Et dans une autre petite pièce terminée avec tant de grâce par cette apostrophe à l’Amour :

Je t’ai servi sous tous les dieux.

Oh ! si l’on pouvait deux fois naître,

Comme je te servirais mieux !


J’ajouterai encore pour exemple ce refrain d’une de ses chansons :

C’est la première,

C’est la dernière

Que j’ai servie et servirai[2].


Ronsard[3], trop méprisé par quelques poètes qui ne l’ont pas lu, et trop imité par quelques autres, a aussi composé des Élégies, dont l’une est rappelée dans les notes de ce volume. On y reconnaît le poète, qui, nourri des anciens, n’eut d’autre tort que de vouloir s’exprimer comme eux. Ce ne sont ni les idées ni les images qui lui manquent. Des mauvais vers de Ronsard on ferait aisément de fort bons vers grecs ou latins. Il paraît avoir pensé dans ces deux langues.

On eut dit que les poètes ses contemporains et leurs successeurs, se disputaient, dans l’Élégie, le prix du ridicule. Les uns niaisement ampoulés, comparaient leur

  1. poète français (1495 — 1544)
  2. [1], Chanson XII.
  3. poète français (1524 — 1585)