Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Les tourterelles se fuyaient;

Plus d’amour, partant plus de joie.

C’est le premier trait du tableau, mais qu’il est vif et profond ! Pour forcer les tourterelles à se fuir, il fallait, en effet, que le danger fût extrême. La réflexion du second vers est charmante; elle n’appartenait qu’à La Fontaine. Pour ne pas multiplier les citations, je renvoie à la fable admirable des Deux Pigeons. Qui peut lire sans être ému le discours adressé par son ami au pigeon voyageur :

Je ne rêverai plus que rencontre funeste,

Que faucons, que réseaux. Hélas ! dirai-je, il pleut :

Mon frère a-t-il tout ce qu’il veut,

Bon souper, bon gîte, et le reste ?

Et le reste, renferme une idée ravissante. Ce reste est tout pour un pigeon, et l’on devine que c’est l’amour. Je passe les traits du récit pour arriver à l’épilogue de ce petit poème, où le narrateur, par un retour naturel sur ses propres affections, s’écrie :

Hélas ! quand reviendront de semblables moments !

Faut-il que tant d’objets si doux et si charmants

Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète !

Ah ! si mon cœur osait encor se renflammer !

Ne sentirai-je plus le charme qui m’arrête ?

Ai-je passé le temps d’aimer ?

Après des vers semblables, il faut fermer le livre et rêver. L’Élégie est là toute entière.

Un spirituel académicien[1], qui a fait aussi des Fables (fables très jolies, surtout lorsqu’il les récitait), a laissé un fort long discours sur l’Elégie, que je n’ai point lu, et des Élégies à sa femme, que, par malheur, je ne lui ai point entendu réciter.

  1. académie, M. le duc de Nivernois (1716 - 1798), Élu en 1742 au fauteuil 4