Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/71

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trouve du nombre, de l’élévation, d’heureuses formes poétiques, et enfin les traces d’un véritable talent, égaré par système dans une fausse route.

Cherche de l’œil l’asile accoutumé,
Ne le voit plus, se tait, soupire, et passe.

Rien ne convient mieux à l’Élégie que le souvenir de ce qui n’est plus. C’est ainsi que la méditation se plaît au milieu des ruines. Nous devons à ce sentiment si naturel et si profond, deux poèmes élégiaques, modèles en notre langue : la Journée des Morts et la Chartreuse de Paris, par M. de Fontanes.



LA FLEUR.


Fleur charmante et solitaire
Qui fus l’orgueil du vallon,
Tes débris jonchent la terre
Dispersés par l’aquilon.
La même faux nous moissonne
Nous cédons au même dieu ;
Une feuille t’abandonne,
Un plaisir nous dit adieu.
Hier, la bergère encore
Te voyant sur son chemin,
Disait : « Fille de l’Aurore,
Tu m’embelliras demain. »
Mais sur ta tige légère
Tu t’abaissas lentement ;
Et l’ami de la bergère
Vint te chercher vainement.
Il s’en retourne et soupire :
« Console-toi, beau pasteur !
Ton amante encor respire,
Tu n’as perdu que la fleur.