Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/72

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« Hélas ! et ma jeune amie
Ainsi que l’ombre a passé;
Et le bonheur de ma vie
N’est plus qu’un rêve effacé.
« Elle était aimable et belle
Son pur éclat s’est flétri,
Et trois fois l’herbe nouvelle
Sur sa tombe a refleuri. »
A ces mots sous la ramée
Je suis ma route, et j’entends
La voix de ma bien-aimée
Me redire : « Je t’attends. »




L’INQUIÉTUDE.


Sais-tu pourquoi cet inquiet tourment
De mon bonheur empoisonne l’ivresse ?
Sais-tu pourquoi dans le plus doux moment
Mon œil distrait se voile de tristesse ?
Pourquoi souvent à ta main qui la presse
Ma froide main répond négligemment ?
Le sais-tu ? Non. Connais donc ma faiblesse.
Ris, tu le peux, de mes travers nouveaux :
Je suis jaloux, et jaloux sans rivaux !
Quand le présent m’enivre de délices,
Dans le passé je cherche des supplices.
Ton cœur, réponds sans nul déguisement,
N’a-t-il battu que pour moi seulement ?
Durant les nuits, à l’heure où tout sommeille
Jamais, dis-moi, les traits d’un autre amant
N’ont-ils troublé tes songes ni ta veille ?
Le regard fixe et le sein oppressé,
Te rappelant une image trop chère,
N’as-tu jamais, le soir, près de ta mère,