Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/75

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Tu songes à l'amour, et tu n’as plus d'amant !
Je suis déjà puni. Ta rivale a des charmes.
Eh bien ! ton souvenir est encor plus puissant.
Je te pleure en te trahissant :
La légère inconstance a donc aussi des larmes !

Jamais hélas ! Oh! non, jamais
L'orgueilleuse beauté que malgré moi j'adore
N'aimera comme tu m'aimais;
Je le sais, et pourtant je te fuis, pauvre Isore !

Ta confiance encore ajoute à mon malheur.
Parfois, sortant des bras de ta rivale heureuse,
Fatigué des transports d’une nuit amoureuse,
Je t'aborde, l'air vague et le front sans couleur :
N'importe ! Loin de toi toute crainte est bannie;
Tu ne soupçonnes pas l'infidèle insomnie
Qui sur mes traits changés imprime la pâleur;
Seulement ta bouche m'accuse
De consumer ma vie au sein des longs travaux,
Et de consacrer à ma muse
L'heure où le doux sommeil balance ses pavots.
Je souris tristement à l’erreur qui t’abuse.
Mais lorsque tu me dis : « Je compte sur ta foi;
Ne m’abandonne pas, je me confie à toi, »
Alors mon cœur succombe au trouble qui l’oppresse ;
Je sens l’aveu cruel s'échapper à moitié ;
Et toi, tu crois à ma tendresse,
Qui n’est plus que de la pitié.

Quand finira l'erreur dont tu jouis encore,
Combien de larmes vont couler !
Je plaindrai tes douleurs, et, sans les consoler,
Je répéterai : « Pauvre Isore !... »
Périsse, périsse le jour