Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/77

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Suivre l’aigle audacieux
En son essor pindarique.
Je vis les belles alors
Accueillir d’un ris perfide
Mes poétiques transports,
Et ces colombes de Gnide
S’enfuir devant mes accords.
Elles me disaient : « Compose
De plus gracieux écrits
Dont le baiser, dont la rose
Soient le sujet et le prix. »
A cette voix adorée
Je ne pus me refuser,
Et de ma lyre effleurée
Le chant n’eut que la durée
De la rose ou du baiser.
Maintenant que ma jeunesse
Traîne des jours sans désirs,
Et que l’abus des plaisirs
Me condamne à la sagesse :
Les belles, le front glacé,
Me regardent comme une ombre;
Et pour elles, du passé
Les baisers, doux et sans nombre,
Semblent un songe effacé.
Les ingrates m’osent dire :
« Nous te répétions toujours
Que les travaux de la lyre
Usaient lentement tes jours. »
Plus que vous, fidèle et tendre,
Cette lyre au monument
Avec moi voudra descendre;
Mais qui de vous sur ma cendre
Viendra rêver un moment ?