Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/100

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Raucourt ! éprouvâtes-vous des transports aussi vifs ? Les sentiments de mère et de fille semblaient ajouter au délire de leurs sens que la plus abondante effusion du nectar du plaisir ne pouvait calmer. L’évêque, qui était monté sur la pointe du pied avec Valbouillant et moi, après avoir joui de leur ivresse en silence, le rompit en chantant ce fragment de Lucile :

Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille.

— Eh bien ! dit la mère sans se déconcerter, vous voyez, mortels présomptueux, qu’on peut se passer de vous, et que ma Laure et moi savons nous suffire à nous-mêmes.

— D’accord, belle dame, lui dis-je, mais puisque la source du vrai bonheur est en vous, convenez que vous seriez barbares, si vous nous refusiez de nous y désaltérer.

— Nous ne refusons rien, dit Laure, pourvu que vous ne nous forciez pas à nous désunir.

Alors elles se serrèrent de nouveau, couchées de côté sur le lit ; l’évêque et Valbouillant, lestes comme des lévriers, s’élancent sur la couche et, à l’instar de ces animaux, se mettent à fêter nos belles. Je fus un instant spectateur ; mais bientôt, lassé de ce rôle, je pris mon évêque à revers, ses mouvements m’apprirent qu’il m’excusait de le prendre en traître, et bientôt les soupirs entrecoupés, les doux gémissements prolongés de la mère et de la fille, et de légères convulsions nous annoncèrent qu’elles continuaient de répandre des larmes de volupté. Nous redoublâmes d’ardeur et les retînmes dans leur ivresse jusqu’à ce