Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/14

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La bassesse de mon origine, la pauvreté de ma parure, m’avaient éloigné de toute intimité avec mes camarades de classe, et par conséquent de la corruption, et je donnais tout mon temps à l’étude. Le régent, satisfait de mes progrès, me prit en affection, me chargea du soin d’arranger sa chambre, de faire son lit et de lui porter tout ce dont il avait besoin ; et pour ma récompense, il me donnait des leçons particulières après la classe, et me faisait lire dans sa chambre des auteurs qu’on n’explique pas en public.

Un jour, j’avais plus de treize ans alors, il me tenait entre ses jambes pour me suivre des yeux dans l’explication de la satire de Pétrone ; son visage s’enflammait, ses yeux étincelaient, sa respiration était précipitée et syncopée ; je l’observais avec une inquiète curiosité qui, divisant mon attention, me fit faire une méprise.

— Comment, petit drôle ! me dit-il d’un ton qui me fit trembler, un sixième ne ferait pas une pareille faute ; vous allez avoir le fouet.

J’eus beau vouloir m’excuser et demander grâce, l’arrêt était prononcé ; il fallut bien me soumettre. Il s’arme d’une poignée de verges, me fait mettre culotte bas, je me jette sur son lit, et de peur que je ne me dérobe au châtiment, il passe son bras gauche autour de mes reins, de façon que sa main empoigne un bijou dont j’ignorais encore l’usage, quoique sa dureté momentanée, depuis plus d’un an, m’eut donné à penser.

— Allons, petit coquin, je vais vous apprendre à faire des solécismes.