Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/44

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blanche et visqueuse dont une goutte tomba sur ma main. Je n’osai lui demander ce que c’était. Il me défendit de jamais mettre ma main là, m’ordonna de me donner tous les jours, pendant la neuvaine, la discipline avec un meuble de ce nom, en corde nouée, qu’il me remit, de réciter pendant que je me fesserais cinq Pater et cinq Ave, et de revenir à confesse au bout de ce temps, qu’il commencerait l’exorcisme. Vous savez à quel point va le zèle de la religion quand on est jeune ; je doublai la pénitence qu’il m’avait imposée et je me fouettai aussi fort que je pouvais le supporter ; la douleur, à mesure que je m’y accoutumais, se changeait en plaisir, et je sentais mes feux souterrains augmenter à chaque coup de discipline, mais je n’osais plus y porter le doigt. La neuvaine finie, je retournai chez mon cafard qui, après ma confession entendue, toujours dans la chapelle solitaire, me dit :

— Le démon est plus tenace que je n’aurais cru ; ce n’est pas assez du doigt pour le chasser, je vois qu’il faut le goupillon ; et, me faisant mettre à genoux en baisant la terre, et m’ordonnant de réciter le psaume Miserere, sans changer de position, il voulut y introduire son énorme goupillon ; mais la douleur fut si vive, que, poussant un cri aigu, je me jetai de côté, et mon cafard, ayant perdu son point d’appui, alla mesurer le pavé avec son nez. Entendant du bruit dans la sacristie, il se releva, me disant que puisque je ne pouvais souffrir un petit mal pour l’amour de Dieu, il perdait l’espérance de me soustraire au démon, que je revinsse cependant