Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/71

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il m’avait chargé, m’avertit que j’avais à me préparer à le suivre à Bédarrides, sa maison de plaisance, à trois lieues d’Avignon, où il allait se reposer pendant une quinzaine des travaux de l’épiscopat ; que j’y trouverais sa sœur, femme de qualité de Bénévent, et sa fille, chanoinesse des plus hautaines, mais ayant toutes les grâces de son état. Il me confia que sa sœur, femme de trente-cinq ans, encore belle et fraîche, suivant toutes les apparences, me trouverait à son gré, et qu’il espérait que je l’aiderais à lui faire les honneurs de sa maison ; que pour la fille, elle avait la fraîcheur de ses dix-sept ans, le sourcil noir, l’œil vif, les lèvres humides et les plus heureuses dispositions pour marcher sur les traces de sa mère, mais que la fierté de ses soixante-quatre quartiers l’avait jusqu’alors empêchée de céder, parce qu’elle avait toujours trouvé quelque lacune dans l’arbre généalogique de ses soupirants ; quoique l’état de chanoinesse qu’elle avait embrassé, vu son peu de fortune, l’eût fait renoncer au mariage, et que le manuel des solitaires, ou les simulaires usités dans les couvents dussent être son unique consolation. Je la plaignis d’un préjugé si contraire au vœu de la nature, à l’humilité chrétienne.

— Je compte sur vous, mon cher Hic et Hec, pour l’en guérir, me dit-il ; votre tournure, votre mine séduisante, vos profondes connaissances dans l’art de la volupté, peuvent seules ramener au bercail cette brebis égarée.

— Et comment y pourrai-je parvenir ? moi, sans nom, sans titres, sans aïeux, le mépris sera