Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/72

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le premier sentiment qu’elle éprouvera pour moi.

— J’en fais mon affaire, j’ai mon roman tout prêt : c’est un jésuite, missionnaire dans l’Inde, qui, revenant du royaume de Pégu, vous aura ramené de ce pays par l’ordre d’un prince dont vous êtes le fils naturel, pour être élevé dans la religion chrétienne, que son éloquence lui a fait embrasser.

— Si cette mystification amuse monseigneur, je ne saurais qu’obéir.

— On t’en devra de reste pour ta complaisance : Laure est faite au tour et n’a contre elle que l’excès de l’orgueil ; je te mets à même de l’initier, mais c’est à la même condition que Valbouillant a mise à l’éducation de Babet et que tout sera commun entre nous quand tu l’auras guérie de ses préjugés.

Cela me parut plaisant, et je promis au prélat tout ce qu’il voulut.

— Il me vient une idée originale, dit mon évêque ; si pour étayer notre ruse, je glissais dans la conversation que tous les princes de sang de Pégu ont sur le corps un signe qui prouve leur origine.

— Un signe, et lequel, s’il vous plaît, monseigneur ?

— Parbleu ! une tête d’éléphant blanc sur le bas-ventre, au-dessous du nombril ; le peintre qui vient de faire mon portrait t’en dessinerait bien une là.

— Quelle folie !

— Je lui ferai naître le désir de voir ce phénomène, et je ne doute pas que la trompe mena-