Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/74

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de sa peau, l’agilité de ses doigts délicats, lui donnaient plus de grâce à manier le sceptre de l’amour que n’en montrait Hébé à toucher la massue d’Hercule.

Le lendemain, nous partîmes, le saint prélat et moi : sa sœur et sa nièce étaient arrivées deux heures avant nous, nous les trouvâmes dans le salon ; la mère couchée sur une ottomane, lisait d’une main un petit in-16 qu’en nous apercevant elle mit dans sa poche, et l’autre main reparut. La jeune chanoinesse, courbée sur un métier, brodait sur un sac à ouvrage le blason de ses armes, avec toutes les alliances écartelées. L’évêque, les ayant embrassées, me présenta comme un prince péguan, que le roi, mon père, nouveau converti, faisait passer en Europe, pour s’instruire dans la foi et dans les arts, qui font la gloire de notre heureuse patrie.

Ce titre de prince du bout du monde et cousin de l’éléphant blanc, prévint en ma faveur l’auguste chanoinesse ; mes yeux vifs et pétillants, mes cheveux bruns et fournis firent aussi leur effet sur la mère ; l’une me demanda des lumières sur les armoiries de Siam et du Pégu, l’autre sur le costume des Bayadères et sur la forme des chaises longues de l’Inde. J’y satisfis de mon mieux, d’après ce que j’avais lu dans les Voyageurs.

Après le repas, pendant lequel on admira tout ce que je disais, s’étonnant qu’un jeune homme né aux Indes pût s’exprimer avec bon sens et facilité, on put se promener dans un bosquet délicieux près du salon ; la comtesse Magdalani