Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/79

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l’autorisait pas à marquer beaucoup de sévérité.

— Eh bien ! dit le prélat, comment vous trouvez-vous, ma sœur, de l’entretien du prince Hic et Hec ? Êtes-vous bien instruite des coutumes et des mœurs de l’Inde ?

— Je suis très satisfaite de ses lumières, il est lucide, précis et d’une philosophie…

— C’est un puits d’érudition, et sa morale ?

— Bizarre, fondée en principes : savez-vous bien qu’il m’affranchit de bien des préjugés.

— C’est son fort ; mais, voyons lesquels ?

— Je ne puis, devant ma fille…

— Quel enfantillage ! elle est d’âge à tout savoir, et je dis plus, il peut être dangereux de ne pas l’éclairer ; que de fautes l’ignorance ne fait-elle pas commettre ? Une jeune fille à qui on ne cache rien est plus en état de repousser la séduction, et, si elle y cède, du moins elle évite le scandale, qui, je le dis entre nous, est le plus grand mal moral. Qu’importe à la société que je satisfasse mes besoins physiques ou que je m’en prive, pourvu que je ne nuise pas au bonheur d’autrui, que je ne lui enlève pas sa propriété, que je n’altère pas ses jouissances et que je ne lui cause ni chagrin ni douleur ?

— Mon frère, dit-elle en souriant, diriez-vous cela dans vos homélies ?

— Oui, quand je parlerais à des gens que je voudrais éclairer ; mais en chaire, non, le peuple en masse veut être trompé, l’ignorance aime les prodiges ; une religion sans miracles trouverait peu de sanctuaires, et les mystères qui répugnent à la raison entraînent la crédulité du grand nombre ; je continuerai à jeter de la poudre aux yeux