Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/95

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je fus surprise de la souplesse qu’il avait acquise, je le touchai avec étonnement et je vis avec effroi qu’il était teint de mon sang ; mais je lui pardonnai sa barbarie, et j’étais affligée de l’état d’abattement dans lequel il se trouvait.

» Marcel examina le ravage qu’il avait causé chez moi ; cet examen et la chaleur de ma main qui n’avait pas quitté prise, ranimèrent son orgueil, et je l’aurais abattu de nouveau sans du bruit que nous entendîmes auprès de la serre. C’était ma tante qui rentrait du salut, et qui était passée par la petite porte du jardin : ma jupe fripée et salie par le terreau de la couche, ma rougeur et mon embarras lui donnèrent des soupçons. Une vieille dévote qui l’accompagnait les aggrava par ses pieuses remarques : on visita mon linge, et le résultat de cette enquête fut un prompt départ pour un couvent, où je demeurai jusqu’à quinze ans, époque où je fus mariée et prise pour vierge par mon époux. »

— Comment, maman, il ne s’aperçut pas…

— Non, mon cœur. Le petit Marcel, quoiqu’il m’eût blessée, était trop jeune pour être bien terrible, et ton père crut qu’étant restée trois ans au couvent, j’avais usé des ressources d’usage dans les cloîtres ; et je confirmai son opinion par un adroit aveu, pour détourner les idées plus désavantageuses qu’il aurait pu se former.

La belle Italienne achevait à peine son récit, quand Babet nous annonça que le lait avait acquis la chaleur convenable, et, apportant la cafetière, remplit les deux suppléments, se mit la ceinture du plus gros, et proposa à la belle