Page:Mirabeau - Le Rideau levé ou l'éducation de Laure, 1882.djvu/100

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LE RIDEAU LEVÉ


désir me tourmentait : je pris sa main dont je couvris ma motte, j’employai son doigt à faire son office et je me trouvai peu de temps après au point de lui rendre soupirs pour soupirs. Elle ne fut pas peu surprise de tout ce [que] j’avais fait ; elle me croyait dans l’ignorance la plus parfaite ; elle n’avait eu garde de m’instruire, craignant qu’ayant été élevée par une mère dévote, je ne fusse assez enfant pour en parler à ma tante ou à ma mère, à mon retour chez elle.

— Comment, Rose, comment sais-tu tout cela ? Je suis bien étonnée de tes connaissances ; à ton âge, je n’en savais pas tant.

— Je le crois, ma chère cousine ; je te le dirai, à condition que tu ne seras point fâchée contre moi, et que tu m’aimeras toujours.

Je me repentis au moment même de ce que j’avais dit et je ne voulais plus continuer, lorsque Isabelle me prenant dans ses bras et me caressant, me pressa de tout lui avouer.

— Tu ne m’en voudras donc pas ? Tiens, ma chère cousine, sois assurée de ma discrétion. Je te promets de n’ouvrir jamais la bouche à personne de ce que je sais, et surtout à ma tante ni à ma mère ; mets ta confiance en moi comme en toi-même.

Je lui redis alors tout ce dont j’avais été témoin, et de quelle manière je l’avais été… L’effroi la saisit.

— Ah ! ma bonne amie, ma chère Rose,