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LE RIDEAU LEVÉ


garde-m’en, je te conjure, le secret ; ne me trahis pas ; tu me perdrais.

Je le lui jurai de nouveau ; nous convînmes qu’il ne fallait pas même en parler à Justine ; elle me donna cent baisers, en me faisant autant de questions sur ce que j’avais vu, entendu et sur l’effet que j’en avais éprouvé. Je lui rendis compte de tout. Je la tranquillisai pour lors, en lui disant que tout ce que je lui avais appris de moi-même m’engageait à garder un secret qui était devenu le mien.

— Mais raconte-moi donc, Isabelle, par quelles circonstances tu en es venue là avec Courbelon et Justine ?

— Je le veux bien, ma petite cousine, après ce que tu sais, je n’ai rien à te refuser ni à te cacher, et je compte toujours sur tes promesses. Écoute-moi. Un mois ou cinq semaines avant ton arrivée ici, j’étais un jour sortie avec ma mère, mais ayant oublié quelque chose dans ma chambre, et n’étant pas éloignée de la maison, j’y revins pour la chercher. Après l’avoir prise, je fus à la chambre de Justine, je ne puis te dire pourquoi ; la porte apparemment n’était pas bien fermée, ou elle n’y avait pas pensé ; je la poussai, elle s’ouvrit ; je ne fus jamais plus surprise, et je restai dans l’étonnement et comme pétrifiée de trouver Courbelon sur elle ; il en descendit aussitôt et j’aperçus son outil qu’il tâchait de cacher, dans le même temps qu’il abattait les jupes de Justine qui étaient toutes levées ; elle