Page:Mirabeau - Le Rideau levé ou l'éducation de Laure, 1882.djvu/102

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LE RIDEAU LEVÉ


était bien heureuse que ma mère ne fût pas à ma place. Je voulus à l’instant m’en aller, mais cette fille, craignant que je ne redise à ma mère ce que j’avais vu, courut après moi, se mit à mes genoux, en me conjurant de n’en pas parler. Elle me pressa tant, en me baisant les mains, que je lui promis tout ce qu’elle voulut, et je lui tins parole.

Je t’avoue, ma chère Rose, que cette aventure me donna matière à bien des pensées. Depuis ce jour-là, Justine m’amenait souvent dans sa chambre, sous prétexte de m’apprendre à broder ; mais elle m’entretenait toujours sur le sujet de ce que j’avais vu, en m’apprenant des choses bien nouvelles pour moi ; elle découvrait ma gorge, elle prenait mes tétons, elle me peignait le plaisir sous les attraits les plus séduisants ; je conviens que j’en trouvais à l’entendre. Enfin, un jour que cette conversation m’avait fort animée, et ma curiosité fortement excitée, je sentis le feu sur mes joues, mon sein était agité ; les questions que je lui faisais firent connaître à Justine que le moment était favorable : elle me prit entre ses bras, m’enleva et me porta sur son lit ; elle me troussa ; je m’en défendais faiblement, elle continuait toujours, en me disant qu’un jeune et aimable cavalier serait bien heureux à sa place, s’il voyait et touchait les beautés, les grâces et la fraîcheur qu’elle venait de découvrir ; que sa machine s’enflerait, et qu’il mourrait de plaisir, en m’en faisant connaître