Page:Mirabeau - Le Rideau levé ou l'éducation de Laure, 1882.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
LE RIDEAU LEVÉ


ports me fit juger de l’excès de leurs plaisirs. C’est hier la sixième fois que je me suis trouvée avec lui, cela n’arrivant pas souvent, crainte d’être découverts. Je fus enchantée de ton arrivée, ma chère Rose, dans l’espérance que j’en aurais plus de liberté ; car je t’avoue que j’ai un violent désir que Courbelon m’en fasse autant qu’à Justine. Je crains, il est vrai, les enfants dont elle me fait peur, et le mal que la grosseur de son vit me pronostique, mais puisqu’elle le reçoit avec empressement, j’imagine que ma crainte n’est pas trop fondée, et que la douleur doit être bien moindre que le plaisir, du moins Courbelon me le dit de même ; cependant Justine s’oppose toujours au désir que nous en avons, par diverses raisons dont elle ne peut me persuader, puisqu’elle s’y expose.

Je la pressai, autant qu’il fut en mon pouvoir, de se satisfaire. Je combattis les raisons de cette fille par toutes celles qui me vinrent à l’idée, dans un âge où je n’avais pas d’expérience ni grandes ressources à donner, mais soit que son imagination, sa curiosité ou ses désirs fussent d’accord avec mes raisonnements, elle me parut facilement s’y rendre. Je lui fis promettre en même temps de me faire le détail du plaisir qu’elle aurait eu ; elle m’en donna sa parole, en me recommandant toujours ce que nous appelâmes dès lors notre secret ; depuis ce moment nous ne nous quittions presque plus.