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LE RIDEAU LEVÉ

Quelques jours après nous fûmes invitées à une noce des parents de Justine ; ces sortes d’invitations sont assez en usage dans les petites villes de province. Elle ne manqua pas de s’y rendre une des premières avant que nous y allassions. Isabelle me dit en riant que cette occasion était bien favorable pour la tromper, car je l’entretenais tous les jours dans le projet d’en passer sa fantaisie. Je saisis d’abord cette idée, et je lui dis qu’en effet ma tante croyant que nous irions ensemble, ne manquerait pas de son côté d’aller chez quelques-unes de ses amies ; qu’il fallait qu’elle fût et se tint dans la chambre de Justine ; que, sans doute, Courbelon ne manquerait pas de venir à la danse, comme font ordinairement les jeunes gens, même sans être invités ; que l’espérance de la trouver l’y amènerait plus sûrement ; qu’aussitôt que je le verrais, je lui dirais qu’elle avait à lui parler, et qu’il se rendit dans la chambre de cette fille, où elle serait à l’attendre.

— Non, non, je ne le veux pas, me dit-elle en rougissant ; mais je la pressai, je mêlai mes caresses à mes engagements, et soit qu’elle fût bien aise qu’ils voilassent ses désirs, ou soit que je la déterminai, elle y consentit. Je n’avais pas fini de m’habiller, que ma tante était déjà partie. Je m’en fus donc seule : effectivement, je trouvai Courbelon, qui était arrivé ; je m’approchai de lui, et je parvins à lui dire, sans affectation et