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LE RIDEAU LEVÉ


endurer. Il s’y présenta une troisième fois : je ne voulais plus y consentir ; il me pressa si fort, en y joignant tant de baisers et de caresses, que je ne pus lui refuser ; il s’y prit si doucement, et avec tant de précaution, que je croyais ne plus endurer un tel tourment, mais il fut presque le même. Ces vives souffrances que j’ai ressenties, jointes à la crainte des enfants qui s’est retracée plus fortement à mon imagination, m’éloignent d’une pareille épreuve ; il m’en reste même une cuisson si grande, que je ne puis encore y toucher sans renouveler mes douleurs, et c’est ce qui m’a fait refuser de participer à la danse.

— Sans doute, chère cousine, qu’étant bien plus jeune que Justine, tu es beaucoup plus étroite.

— C’est bien ce que me disait Courbelon, en m’assurant que le temps et l’usage m’élargiraient, mais, en attendant, je n’en souffre pas moins.

Il fallut donc rester tranquilles, et nous nous endormîmes.

Le lendemain, Justine sut attirer Isabelle dans sa chambre, et lui dit qu’elle s’était aperçue que Courbelon y était venu la veille ; qu’elle avait trouvé à la porte du petit escalier, qui n’était pas fermée comme elle le faisait ordinairement, un morceau du bouquet qu’il avait ce jour-là ; qu’elle avait très bien distingué que son lit avait été foulé, et qu’enfin elle avait appris qu’au lieu d’être sortie avec sa