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LE RIDEAU LEVÉ


mère, comme je le lui avais dit, elle était restée, et n’avait quitté la maison que deux heures après moi ; qu’elle jugeait bien de ce qui s’était passé, qu’elle l’engageait à le lui avouer ; qu’elle ne devait pas avoir de crainte ni faire de mystère avec elle, puisqu’elle n’avait rien à redouter de sa part, étant pour le moins aussi intéressée qu’elle à ce que personne n’en sût rien. Isabelle s’en défendit d’abord, mais les marques étaient si claires pour Justine qu’à la fin elle lui avoua que Courbelon était venu et lui avait fait les caresses dont il usait ordinairement. Justine lui soutint qu’assurément il le lui avait mis, que tout lui démontrait qu’elle n’en devait pas douter. Ma cousine ne voulut pas en convenir, mais cette fille lui dit qu’elle le connaîtrait bientôt. Comme elle était forte, elle la prit dans ses bras et la coucha sur le lit : Isabelle ne pouvant lui résister, et se persuadant qu’elle y connaîtrait quelque chose, craignant encore que pour s’en assurer elle ne renouvelât ses douleurs, lui fit l’aveu de ce qu’elle m’avait raconté.

Justine, qui redoutait infiniment les suites de cette aventure, ou vivement piquée contre Courbelon, apporta depuis tant de difficultés et d’obstacles à leurs entrevues, que ma cousine et lui ne pouvaient plus se voir avec la facilité qu’elle leur avait procurée, et peut-être alors jalouse de lui, elle ne lui permit plus de revenir ; elle parvint enfin, par toutes