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LE RIDEAU LEVÉ


les voies et les moyens qu’elle put imaginer, à rompre cette liaison, d’autant plus aisément qu’elle y employait la vigilance la plus grande. Courbelon, jugeant qu’il ne pourrait jamais surmonter les obstacles qu’opposait une surveillance aussi éclairée et au fait de cette allure, se brouilla avec elle, et comme dans cette circonstance il fut obligé quelque temps après de se rendre dans une autre province, il oublia bientôt Isabelle et Justine, qui elle-même, peu après son départ, se retira de chez ma tante, et quitta la ville où nous étions ; c’est ce qui m’a fait penser depuis qu’elle était allée dans le même lieu où s’était rendu Courbelon, pour qui elle aurait tout sacrifié.

Dans les premiers temps, Isabelle n’endura pas sans chagrin le déplaisir de ne plus le voir ; elle me faisait part de tout ce que son humeur lui inspirait. Je la consolais du mieux qu’il m’était possible ; j’y parvins à la longue, et les plaisirs que nous nous procurions ensemble lui firent supporter avec plus d’aisance et même oublier à la fin, cette perte qui m’avait si fort déplu. Je désirais être quelque jour de leur partie ; je projetais d’y engager ma cousine, et je m’en flattais d’autant mieux, qu’elle avait pris pour moi une forte inclination qui ne servit pas peu depuis à dissiper son chagrin. Ces contretemps détruisirent mes desseins et la nécessité fit que je n’y pensai bientôt plus. Nous passâmes encore quatre

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