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LE RIDEAU LEVÉ


vu chez ma cousine, je fixai ses idées sur des exemples généraux ; cependant, ayant ensuite reconnu sa discrétion, je lui racontai tout, et nous tâchions d’en réaliser le souvenir et d’en imiter l’exemple.

Hélas ! au milieu de nos plaisirs, notre séparation approchait ; nous l’envisagions avec douleur ; ce moment vint enfin ; il fallut nous quitter ; ma peine fut extrême, je ne puis vous la dépeindre. Depuis trois ans et demi d’absence, nous ne nous sommes réunis que depuis quatre ou cinq mois qu’il est revenu tout à fait chez ma mère.

Quand elle eut fini son récit, où elle était entrée dans un détail plus étendu qu’avec moi, surtout en ce qui regardait Vernol, je repris la parole.

— Tu ne sais pas, cher papa, ce que Rose m’a dit encore ; elle ne te rend pas compte de tout. Ma chère Laure, m’a-t-elle ajouté, je me suis aperçue que Vernol avait pris pour toi la plus forte passion, et même il m’en a fait l’aveu. Tiens, chère amie, je n’en suis point jalouse ; je vous aime tendrement tous deux ; tu es belle, il est charmant, je serais enchantée de le voir dans tes bras ; oui, ma chère, je l’y mettrais moi-même, je ferais mon bonheur de ta félicité. Ne la trouves-tu pas folle ?

— Pas tant, Laure ! je n’en suis point surpris, dans la façon d’être.

Nous jugeâmes aisément que Rose aimait le plaisir avec fureur ; nous lui dîmes, elle en