présidé. Ce n’était pas non plus de ces jardins
compassés, où la régularité et la symétrie
écrasent la nature ; nous y jouissons de la
beauté de l’horizon, qui semblait d’accord
avec la fête. Après cette promenade, où nous
avions préludé par les baisers, nous vînmes
dans les appartements, que nous parcourûmes ;
nous trouvâmes dans un salon, où
mon papa nous conduisit, une collation
servie ; il nous présenta plusieurs mets, nous
versait à boire, et ne nous ménageait pas.
Soit délicatesse des vins et des liqueurs, soit
qu’il eût employé quelque autre moyen qu’il
connaissait assez, nos têtes perdirent bientôt
leur équilibre, et nous jetâmes des fleurs à
la Folie, qui nous en couronna. Dès qu’il nous
vit en cet état, il sut écarter tout son monde,
de manière à ne le faire revenir que tard, en
sorte que nous étions exactement seuls. Il
nous conduisit dans un appartement où nous
n’avions pas encore été, situé dans le quartier
le plus reculé. Il nous fit entrer dans un petit
salon, illuminé de toutes parts de bougies
mises dans des girandoles posées à la hauteur
où l’on pouvait facilement atteindre avec la
main. Au-dessous d’elles régnaient tout
alentour des glaces ordinairement couvertes
de rideaux qui dans ce moment étaient relevés
par des cordons et des glands qui se tenaient
en festons, dont les pendants garnissaient les
encoignures. Des bergères larges, fort basses
et presque sans dossier, sur lesquelles étaient
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LE RIDEAU LEVÉ