Page:Mirabeau - Le Rideau levé ou l'éducation de Laure, 1882.djvu/126

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LE RIDEAU LEVÉ


répandus des carreaux garnissaient le tour jusqu’à la hauteur où les glaces étaient placées. Au-dessus d’elles étaient enchâssés différents tableaux. Dieux ! quels objets, chère Eugénie ! Clinchtall et l’Arétin n’ont rien produit de plus voluptueux. Des sculptures peu multipliées, les unes en blanc, les autres peintes à la gouache, présentaient de semblables sujets. Dans un des côtés était une niche ornée et éclairée de même, qui renfermait un meuble sur lequel la jouissance et la volupté avaient établi leur trône. Ces peintures, ces sculptures, les vins et les liqueurs que nous avions pris écartèrent et chassèrent loin de nous jusqu’à l’ombre de la contrainte ; le délire voluptueux s’empara de nos sens ; Bréchus et la Folie menaient le branle. Rose, inspirée par sa divinité chérie, nous donna le ton, et commença l’hymne du plaisir. Elle sautait au cou de mon papa ; elle embrassait Vernol ; elle me baisait et m’engageait à l’imiter ; elle arracha mon mouchoir qu’elle jeta à son frère ; elle fit voler le sien sur mon papa ; elle leur faisait baiser ses tétons ; elle les conduisit sur les miens ; nos bouches étaient couvertes de leurs lèvres. Ces jeux, ces baisers, qui se répétaient dans les glaces, nous échauffèrent à l’excès. Nos joues étaient colorées, nos lèvres brûlantes et vermeilles, nos yeux animés et nos seins palpitants.

Vernol, déjà dans un demi-désordre, le teint brillant, les yeux pleins de feu, me pa-