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LE RIDEAU LEVÉ


réfléchissent n’y résistent point quand ils les rencontrent, et toute leur infidélité leur cède ; enfin j’étais le seul objet de sa tendre affection, comme il l’était de celle de mon cœur. Les événements qui suivirent achevèrent d’anéantir ces liaisons que j’avais déjà commencé de rompre.

Une aventure où Rose brisa plusieurs lances avec trop d’effronterie et d’impudence acheva de m’éloigner d’elle et de Vernol, lorsqu’ils m’en eurent fait un détail que je sus tirer d’eux. Je fus convaincue que la délicatesse des sentiments n’habitait point leurs cœurs, et qu’ils n’avaient l’un et l’autre que ceux de la passion la plus effrénée et la plus indiscrète. Cette manière d’être et de penser n’étant point conforme avec la mienne, je fus entièrement décidée sur leur compte.

Je t’ai déjà dit que je ne les voyais plus aussi souvent, ce qui les engageait à chercher, de leur côté, tous les amusements qu’ils pouvaient se procurer ; la promenade en faisait partie. Vernol conduisant un jour Rose dans un jardin public, rencontra quatre de ses camarades de collège, dont le plus âgé avait à peine vingt ans. Reconnaissance, essor de joie, embrassades, questions multipliées : D’où viens-tu ? que fais-tu ? où vas-tu ? quelle est cette belle ?… La réponse à cette dernière demande donna lieu à nos jeunes gens de faire des révérences et des compliments qui sûrement ne déplaisaient point à