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LE RIDEAU LEVÉ


Rose. Satisfaits sur les autres points, ils se déterminèrent à engager Vernol à être de leur partie. Il était question d’aller hors de la ville se régaler d’une collation dans quelque endroit commode ; ils n’essuyèrent point de refus de la part de Vernol, et encore moins de Rose : ils partent.

Dans les premiers transports de joie, nos jeunes gens avaient oublié les conventions qu’ils avaient prises ensemble ; mais le plus âgé, en même temps le plus rusé, par ce que tu vas voir ensuite, ne les avait pas perdues de vue. Il tenait Rose avec un autre sous les bras ; les petits propos, les cajoleries, les expressions énigmatiques allaient leur train. On était encore dans la belle saison ; on marchait assez vite. En arrivant, on monte dans une chambre ; Rose avait chaud, elle se jeta sur un lit, découvrit sa gorge, et laissa pencher une jambe qu’elle savait avoir bien faite ; aussi en reçut-elle des éloges qui l’enivrèrent. On fit apporter mets, vins et liqueurs de diverses sortes ; les têtes commencèrent à s’échauffer. Rose sablait, tous en faisaient autant. Dans cette disposition, les propos, les chansons s’égayèrent, la liberté s’en mêla, les baisers trottaient ; le feu prit et l’incendie se communiqua. Le plus âgé, plus hardi et plus expérimenté que les autres, prit Vernol dans une embrasure, et lui fit part des conventions qu’ils avaient faites avant de partir. Vernol ne put s’empêcher d’en rire de tout son cœur,