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LE RIDEAU LEVÉ

Je la vis le lendemain ; je la trouvai mourante, les yeux languissants et abattus. Surprise de la trouver dans cet état, je la questionnai avec adresse, et je la pressai tant, qu’elle et Vernol me firent enfin l’aveu de cette orgie.

Je ne me mêlai pas de leur donner des conseils, je voyais trop combien ils seraient inutiles ; je ne daignai pas même les blâmer, aussi je ne mets pas en doute qu’elle ne l’ait renouvelée aussitôt qu’elle l’a pu ; mais je ne me mis plus à même de l’apprendre, et de ce moment je ne les vis plus.

Rose, livrée sans frein à la passion furieuse dont elle faisait l’idole de son bonheur, à la fin y succomba. Ses règles n’avaient point paru ; elle ne fut pas longtemps sans essuyer un épuisement total suivi de vapeurs affreuses. Sa vue s’en ressentit, elle ne ressemblait qu’à une ombre ambulante. Sa gaîté fut totalement perdue, et un dépérissement produit par une fièvre lente la conduisit au tombeau.

Vernol, qu’elle avait jeté dans le même excès, fut saisi d’une fièvre putride dont il eut beaucoup de peine à revenir, et peu de mois après son rétablissement, la petite vérole lui fit essuyer des ravages qui le défigurèrent totalement ; il fut encore très mal et ne fit que languir depuis.

Mon père avait prévu tous ces événements ; nous nous entretenions souvent sur ce sujet. Je sentis mieux que jamais le prix de ses