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LE RIDEAU LEVÉ


bruns, dont la vivacité était tempérée par un regard doux et tendre, et mes cheveux, d’un châtain cendré, se mariaient avantageusement. Mon humeur était gaie, mais mon caractère était porté, par une pente naturelle, à la réflexion.

Mon père étudiait mes goûts et mes inclinations : il me jugea ; aussi cultivait-il mes dispositions avec le plus grand soin. Son désir particulier était de me rendre vraie avec discrétion ; il souhaitait que je n’eusse rien de caché pour lui ? il y réussit aisément. Ce tendre père mettait tant de douceur dans ses manières affectueuses, qu’il n’était pas possible de s’en défendre. Ses punitions les plus sévères se réduisaient à ne me point faire de caresses, et je n’en trouvais point de plus mortifiantes.

Quelque temps après la perte de ma mère, il me prit dans ses bras :

— Laurette, ma chère enfant, votre onzième année est révolue ; vos larmes doivent avoir diminué, je leur ai laissé un terme suffisant ; vos occupations feront diversion à vos regrets : il est temps de les reprendre.

Tout ce qui pouvait former une éducation brillante et recherchée partageait les instants de mes jours. Je n’avais qu’un seul maître, et ce maître c’était mon père : dessin, danse, musique, sciences, tout lui était familier.

Il m’avait paru facilement se consoler de

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