Page:Mirabeau - Le Rideau levé ou l'éducation de Laure, 1882.djvu/170

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LE RIDEAU LEVÉ


quelque adoucissement à mes peines ? Mon chagrin serait encore dans toute sa force, s’il n’avait été modéré dans tes bras. Souffre, belle et tendre amie, que pour ma propre satisfaction, je peigne à tes yeux mêmes l’image des doux instants que j’ai passés près de toi, et où tu as versé un baume salutaire sur les plaies de mon cœur. Ce penchant qu’on nomme sympathie, cet intérêt qu’on prend aux infortunés par la similitude où l’on peut se trouver avec eux, te fit concevoir de l’amitié pour moi, presque aussitôt que je fus dans ton couvent, où je voulais me fixer et pleurer en liberté ; ta pénétras l’état de mon cœur, sans en connaître les motifs, te vins essuyer mes larmes, tu quittais ta cellule pour dissiper ma langueur. Ta jeunesse, tes grâces, tes attraits et ton esprit donnaient du poids à tes discours ; mais tu t’apercevais aisément, le lendemain, que la solitude de la nuit détruisait tous les soins que te avais pris pendant le jour. Tu parvins enfin à partager mes ennuis et mon lit. Que je fus surprise des trésors que ta guimpe et tes habits recélaient ! Cet instant ranima d’un sentiment vif le souvenir de mes peines ; tu vis couler mes pleurs, tu en fus étonnée ; tu voulais en connaître la cause et découvrir un secret que tu as si bien, su m’enlever depuis.

Je ne tenais à rien ; j’étais dans une inertie totale ; à peine aurais-je su que j’existais, le sentiment de ma douleur. Je concevais le