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LE RIDEAU LEVÉ


besoin d’une amie ; mais je n’espérais pas en trouver une, telle que je la désirais : ce fut dans cet instant que je sentis plus vivement combien Lucette me manquait ; je ne comptais pas pouvoir la remplacer ; bien moins me flattais-je d’en trouver une semblable sous le masque qui te couvre. Ton caractère, ton humeur, ton âme vinrent sans déguisement se montrer à moi et se joindre à ta figure charmante ; j’en fis quelque temps mon étude, et mes observations furent toutes en ta faveur ; enfin ton amitié et ta confiance établirent les miennes. Tes confidences furent payées par celles que je te fis alors, et je trouvai dans tes bras l’adoucissement que tu cherchais à me procurer. Avec quelle satisfaction je me rappelle encore cette nuit où tu me dis :

— Aimable Laure, chère amie, j’ai lieu d’être persuadée que tes chagrins sont cuisants ; mais si je puis, en te faisant part des miens, émousser le sentiment de ceux qui t’accablent, j’aurai du moins le contentement que me donnera la diminution de ta douleur.

Tu jugeais avec raison qu’observant une réserve exacte sur le secret de mon cœur, je pouvais aussi garder le tien ; tu ne te trompais pas, il me semble encore t’entendre me dire :

— Écoute, ma chère, j’aime, oui, j’aime aussi tendrement qu’on puisse aimer, et j’ai le malheur cruel d’être couverte des livrées