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LE RIDEAU LEVÉ


les vœux qu’on m’a dictés, cette guimpe, ces grilles qui nous entourent, tout s’y oppose !

Mais ton amour, mes avis et mon assistance ont affaibli ces préjugés et vaincu tous les obstacles. Tu me dois donc, chère Eugénie, la tranquillité d’esprit et la société dont tu jouis. De toutes façons, ton amant me doit sa victoire ; de toutes manières, mon amitié vous a servis tous deux ; mais avant, j’ai voulu connaître ce Valsay si cher à ton cœur, étudier sa façon de penser, et juger s’il méritait ton amour, ta confiance et tes faveurs. Ces soins, tu le sais, n’ont pas été l’affaire d’un jour. Les femmes dont le jugement a été cultivé ont le tact fin, délicat et sûr pour pénétrer dans le cœur des hommes, malgré leurs détours, leur duplicité et les voiles dont ils cherchent à se couvrir ; mais je fus contente de Valsay, je trouvai suffisamment en lui pour me faire présumer que je ne risquais plus rien à prendre tout sur moi, pour satisfaire tes désirs, aider ton peu d’expérience et bannir tes frayeurs. Heureusement je servais dans ton couvent de prétexte à son amour, tandis que je travaillais pour vous deux, car ta faiblesse et ta timidité n’auraient jamais été vaincues sans mon secours. Retrace-toi ce jour où, après un temps assez long, ton amant te pressait, avec les instances les plus vives, de le rendre heureux ; je le secondais de tout mon pouvoir ; tu t’en défendais, et tu le désirait. Tu lui opposais des raisons qui te paraissaient