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LE RIDEAU LEVÉ


dans la plus agréable ivresse. Je n’avais pas encore passé de nuit qui me plût autant.

Nous étions au milieu des caresses du réveil, lorsque mon père fut ouvrir à cette femme qu’il avait fait venir la veille. Quels furent ma surprise et mon chagrin lorsqu’elle mit sur moi un caleçon de maroquin doublé de velours qui, me prenant au-dessus des hanches, ne descendait qu’au milieu des cuisses. Tout était assez lâche, et ne me gênait point ; la ceinture seulement me prenait juste la taille, et avait des courroies, semblables au caleçon, qui passaient pardessus mes épaules et étaient assemblées en haut par une traverse pareille qui tenait de l’une à l’autre. On pouvait élargir tout cet assemblage, autant qu’on le jugeait à propos. La ceinture était ouverte par devant, se prolongeant plus de quatre doigts au-dessous. Le long de cette ouverture, il y avait des œillets des deux côtés, dans lesquels mon père passa une petite chaîne de vermeil délicatement travaillée, qu’il ferma d’une serrure à secret :

— Ma chère Laure, aimable enfant, ta santé et ta conservation m’intéressent : le hasard t’a instruite sur ce que tu ne devais savoir qu’à dix-huit ans ; il est nécessaire que je prenne des précautions contre tes connaissances et contre un penchant que tu tiens de la nature et de l’amour ; tu apprendras du temps à m’en savoir gré, et tout autre moyen