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LE RIDEAU LEVÉ


car, de quelque façon, qu’on veille sur eux, la société qu’ils ont ensemble ne leur apprend que trop, et trop tôt, la manière de s’y livrer.

Pendant quatre ou cinq années qui se sont écoulées depuis ce jour-là, tous les soirs mon père ôtait lui-même ce caleçon ; Lucette le nettoyait avec soin, et me lavait : il examinait s’il me blessait et il me le remettait. Depuis ce moment jusqu’à l’âge de seize ans, je ne le quittai pas. Durant tout ce temps, mes talents s’accrurent et j’acquis des lumières dans tous les genres. Une curiosité naturelle me faisait désirer d’apprendre les raisons de tout ; chaque année voyait augmenter mes connaissances, et je ne cessais de chercher à en acquérir. Je m’étais accoutumée à l’emprisonnement où j’étais, et la perspective de sa fin m’avait rendu supportable le temps où j’y étais condamnée ; je m’étais fait une raison sur cette nécessité, d’autant plus aisément, qu’elle ne m’empêchait pas de jouir des caresses que je faisais, ou de celles dont j’étais témoin, puisque j’avais mis ma bonne et mon papa dans le cas de n’être pas gênés par ma présence.

Parmi toutes les questions que je lui faisais, je n’oubliais guère celle où je trouvais le plus d’intérêt. Plus j’avançais en âge, plus la nature parlait en moi, avec d’autant plus de force, que leurs plaisirs l’animaient vivement ; aussi lui demandais-je souvent sur quelles raisons était fondée la nécessité de la con-