Page:Mirabeau - Le Rideau levé ou l'éducation de Laure, 1882.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
LE RIDEAU LEVÉ


trainte où il me tenait, et quel était le sujet des précautions qu’il avait prises vis-à-vis de moi. Il m’avait toujours renvoyée à un âge plus avancé. J’étais enfin dans ma seizième année, lorsqu’il me donna la solution de cette demande.

— Puis-je donc à la fin, cher papa, savoir quelles sont les causes qui vous ont engagé à me faire porter ce fâcheux caleçon, puisque vous m’assurez avoir tant de tendresse pour votre Laurette ! Ma bonne est plus heureuse que moi, ou vous m’aimez moins qu’elle : expliquez-moi donc aujourd’hui les vues qui vous y ont déterminé ?

— Cette même tendresse, cette même affection que j’ai pour toi, ma chère fille, je ne te regarde plus comme une enfant ; tu es à présent dans l’âge où l’on peut t’instruire à peu près de tout et peut-être le dois-je encore plus avec toi. Apprends donc, ma Laurette, que la nature chez l’homme travaille à l’accroissement des individus jusqu’à quinze ou seize ans. Ce terme est plus ou moins éloigné, suivant les sujets, mais il est assez général pour ton sexe ; cependant il n’est dans le complément de sa force qu’à dix-sept ou dix-huit ans. Dans les hommes, la nature met plus de temps à acquérir sa perfection. Lorsqu’on détourne ses opérations par des épanchements prématurés et multipliés d’une matière qui aurait dû servir à cet accroissement, on s’en ressent toute la vie, et les

2.