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LE RIDEAU LEVÉ


sent la conduite que je tiens entre Lucette et toi.

— Eh bien, cher papa, car je vous donnerai toujours ce nom, je me rends à des raisons si solides, et je conçois toute votre prudence ; mais à quel âge ferez-vous donc avec moi ce que vous faites avec elle ? Cet instant manque à ma félicité, puisque je ne puis remplir tous vos désirs et les satisfaire dans toute leur étendue.

— Attends, fille charmante, que la nature parle en notre faveur d’une manière intelligible. Tes tétons n’ont point encore acquis leur forme ; le duvet qui couvre les lèvres de ton petit conin est encore trop faible : à peine a-t-il porté ses premières fleurs ; attends un peu plus de force ; alors, chère Laurette, enfant de mon cœur, c’est de ta tendresse que je recevrai ce présent ; tu me laisseras cueillir cette fleur que je cultive, mais attendons cet heureux instant. Ne crois pas cependant, ma chère fille, qu’à cette époque je te laisse livrée tout à fait à toi-même : dans une constitution robuste, cet instant arrivé suffit souvent, encore est-il nécessaire de se ménager ; mais dans un tempérament délicat, il faut pousser l’attention bien plus loin, et contraindre jusqu’à dix-sept ou dix-huit ans, où les femmes sont dans toute leur force, les penchants qu’elles peuvent avoir à se laisser aller aux attraits de la volupté.

Tout ce qu’il me disait, Eugénie, s’impri-