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LE RIDEAU LEVÉ


mait fortement dans ma mémoire ; ses raisonnements me paraissaient appuyés sur les fondements les plus solides, et sa complaisance à répondre sans déguisement à mes questions m’engageait à lui en faire de nouvelles. Lucette si profondément endormie la première fois que je les découvris ensemble formait un mystère pour moi que je désirais d’éclaircir ; un jour enfin je lui en demandai la raison.

— Pourquoi, cher papa, Lucette dormait-elle si fort le premier jour que vous lui découvrîtes les tétons et que vous fîtes avec elle tout ce que vous désiriez, sans qu’elle s’éveillât ? Ce sommeil était-il feint ou réel ?

— Très réel, ma chère Laure ; mais c’est mon secret : dois-je t’en instruire ? Oui, cet exemple pourra te devenir utile pour t’en garantir. Je t’avoue que depuis longtemps le besoin me tourmentait ; j’étais souvent très animé avec toi, je ne pouvais me satisfaire ; je vis Lucette, elle me plut, et parut me convenir de toutes manières, mais voyant qu’elle reculait et balançait à se rendre à mes désirs, je pris mon parti : je lui fis avaler quinze ou vingt gouttes d’une potion dormitive dans le verre de liqueur que je lui donnai ; tu en as vu l’effet ; mais je ne me contentai pas de cela ; je redoutais le moment de son réveil, et je craignais que la surprise et la colère ne l’emportassent trop loin. Pour l’éviter, j’avais préparé d’avance une composition capable