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LE RIDEAU LEVÉ


d’exciter la nature à la concupiscence : c’est ce qu’on appelle un philtre. Quand je t’eus portée dans mon lit, je revins en prendre trois ou quatre gouttes dans ma main, dont je frottai toute sa motte, son clitoris et l’entre-deux des lèvres. Cette liqueur a même la propriété d’exciter un homme affaibli et de le faire bander s’il s’en frotte à la même dose le périnée et toutes les parties quelque temps avant d’entrer en lice. Lucette ne fut pas une heure couchée, qu’elle s’éveilla : elle ressentait une démangeaison, une ardeur, une passion que rien ne pouvait éteindre. Elle ne parut point étonnée de me voir dans ses bras ; elle les passa autour de moi, et loin d’opposer de la résistance à mes caresses et à mes désirs, tout émue par les siens, elle écarta d’elle-même les genoux et bientôt je goûtai les plaisirs les plus vifs, que je lui fis partager ; mais attentif aux suites qui pouvaient en arriver, au moment où je sentis la volupté prête à s’élancer comme une flamme, je me retirai et j’inondai sa motte et son ventre d’une copieuse libation que je répandis sur l’autel où je portais alors tous mes vœux.

Depuis ce moment, Lucette s’est toujours prêtée à mes volontés, et c’est par sa complaisance, mon inattention et ta curiosité, que je ne soupçonnais pas de ton âge, que tu as découvert ce mystère ; elle ignore ce que je viens de t’apprendre, et tu dois garder ma confidence.