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LE RIDEAU LEVÉ

— Qu’importe ! fais-moi souffrir, mets-moi toute en sang, si tu veux ! je ne puis te faire trop de sacrifices ; ton plaisir et ta satisfaction font l’objet de mes désirs.

Le feu brillait dans nos yeux ; l’aimable Lucette, voulant coopérer à l’effusion du sang de la victime, ne montrait pas moins d’empressement que si elle-même eût été le sacrificateur. Ils m’enlevèrent et me portèrent dans un cabinet qu’ils avaient fait préparer pendant le temps de mon état. La lumière du jour en était absolument bannie : un lit de satin gros bleu était placé dans un enfoncement entouré de glaces. Les foyers de quatre réverbères placés dans les encoignures, adoucis par des gazes bleues, venaient se réunir sur un petit coussin de satin couleur de feu, mis au milieu, qui formait la pierre sur laquelle devait se consommer le sacrifice. Lucette exposa bientôt à découvert tous les appas que j’avais reçu de la nature ; elle ne para cette victime volontaire qu’avec des rubans couleur de feu, qu’elle noua au-dessus de mes coudes à la ceinture, dont, comme une autre Vénus, elle marqua ma taille. Ma tête, couronnée simplement de sa longue chevelure, n’avait d’autre ornement qu’un ruban de la même grandeur qui la retenait. Je me jetai de moi-même sur l’autel.

Quelques parures que j’eusse auparavant portées, je me trouvais alors bien plus belle de ma seule beauté ; je me regardait dans