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LE RIDEAU LEVÉ


gers, et qui n’était plus semé que de fleurs : il s’y précipita, il enfonça, elle me branlait en même temps, et je lui rendais un pareil service, tandis qu’il faisait avec son doigt, dans le con de ma bonne, le même mouvement que son vit faisait dans le mien. Ces variétés, ces attitudes, cette multiplicité d’objets et de sensations dans les approches du plaisir, en augmentaient infiniment les délices. Nous le sentîmes venir à nous ; mais prêt à nous échapper, comme l’éclair étincelant fuit à nos regards, nous en savourâmes au moins toute l’étendue dans un délectable anéantissement, dont la douceur et les charmes ne peuvent qu’être sentis. Nous commencions à être fatigués ; Lucette se releva, fut mettre ordre à tout, et dès qu’elle fut de retour, nous nous mîmes dans le lit, entre les bras les uns des autres, où nous passâmes une nuit préférable pour nous au jour le plus pompeux.

Hélas ! chère Eugénie, pourquoi l’imagination va-t-elle toujours au delà de la réalité, qui suffit seule à notre bonheur ? Je croyais que tous les jours allaient le disputer à celui qui m’avait procuré tant de plaisirs ; mais mon père, plus soigneux, plus délicat peut-être, et veillant sans interruption à ma santé, m’engagea le lendemain à reprendre ce fatal caleçon.

— Ma chère Laurette, je ne te le cache pas, je me défie de toi, de nous tous ; ton tempérament n’est pas encore assez formé pour que