De ce devoir sacré la juste violence
Étouffe dans mon cœur toute reconnaissance :
Et je sacrifierais à de si puissants nœuds
Ami, femme, parents, et moi-même avec eux.
Se faire un beau manteau de tout ce qu’on révère !
Ce zèle qui vous pousse et dont vous vous parez,
D’où vient que pour paraître il s’avise d’attendre
Qu’à poursuivre sa femme il ait su vous surprendre
Et que vous ne songez à l’aller dénoncer
Que lorsque son honneur l’oblige à vous chasser ?
Je ne vous parle point, pour devoir en distraire[1],
Du don de tout son bien qu’il venait de vous faire ;
Mais, le voulant traiter en coupable aujourd’hui,
Pourquoi consentiez-vous à rien prendre de lui ?
Et daignez accomplir votre ordre, je vous prie.
Et, pour l’exécuter, suivez-moi tout à l’heure
Dans la prison qu’on doit vous donner pour demeure.
- ↑ Pour devoir en distraire, signifie probablement pour avoir dû vous détourner d’une telle action. Il serait difficile d’être plus obscur. Ce passage, et bien d’autres, font voir que Molière suivait en versifiant la méthode de Boileau, de commencer par le second vers, et d’y renfermer toute l’énergie de la pensée dans les termes les plus propres. Le premier se faisant ensuite du mieux qu’on pouvait, ajusté sur le second. Molière a dû, comme Virgile, laisser souvent des hémistiches vides, qu’il remplissait à la hâte au dernier moment.
(F. Génin.)