Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/389

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Mais avoir un amant d'un mérite achevé,
Et s'en voir chèrement aimée;
C'est un bonheur si haut, si relevé,
1345 Que sa grandeur ne peut être exprimée.

AGLAURE
N'en parlons plus, ma sœur, nous en mourrions d'ennui,
Songeons plutôt à la vengeance,
Et trouvons le moyen de rompre entre elle et lui
Cette adorable intelligence.
1350 La voici. J'ai des coups tous prêts à lui porter,
Qu'elle aura peine d'éviter.

SCÈNE II

PSYCHÉ, AGLAURE, CIDIPPE.

PSYCHÉ
Je viens vous dire adieu, mon amant vous renvoie,
Et ne saurait plus endurer
Que vous lui retranchiez un moment de la joie
1355 Qu'il prend de se voir seul à me considérer.
Dans un simple regard, dans la moindre parole,
Son amour trouve des douceurs,
Qu'en faveur du sang je lui vole,
Quand je les partage à des sœurs.

AGLAURE
1360 La jalousie est assez fine,
Et ces délicats sentiments
Méritent bien qu'on s'imagine
Que celui qui pour vous a ces empressements,
Passe le commun des amants.
1365 Je vous en parle ainsi faute de le connaître.
Vous ignorez son nom, et ceux dont il tient l'être,
Nos esprits en sont alarmés:
Je le tiens un grand prince, et d'un pouvoir suprême
Bien au-delà du diadème,
1370 Ses trésors sous vos pas confusément semés
Ont de quoi faire honte à l'abondance même,
Vous l'aimez autant qu'il vous aime,
Il vous charme, et vous le charmez;
Votre félicité, ma sœur, serait extrême,
1375 Si vous saviez qui vous aimez.

PSYCHÉ
Que m'importe? j'en suis aimée,