Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/544

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LES FEMMES SAVANTES.

À faire condescendre une femme à vos vœux,
Et prendre assez de cœur pour dire un Je le veux !
Vous laisserez, sans honte, immoler votre fille
Aux folles visions qui tiennent la famille,
Et de tout votre bien revêtir un nigaud,
Pour six mots de latin qu’il leur fait sonner haut ;
Un pédant qu’à tous coups votre femme apostrophe
Du nom de bel esprit, et de grand philosophe,
D’homme qu’en vers galants jamais on n’égala,
Et qui n’est, comme on sait, rien moins que tout cela ?
Allez, encore un coup, c’est une moquerie ;
Et votre lâcheté mérite qu’on en rie.

Chrysale.
Oui, vous avez raison, et je vois que j’ai tort.
Allons, il faut enfin montrer un cœur plus fort,
Mon frère !

Ariste.
Mon frère ! C’est bien dit.

Chrysale.
Mon frère ! C’est bien dit. C’est une chose infâme,
Que d’être si soumis au pouvoir d’une femme.

Ariste.
Fort bien.

Chrysale.
Fort bien. De ma douceur elle a trop profité.

Ariste.
Il est vrai.

Chrysale.
Il est vrai. Trop joui de ma facilité.

Ariste.
Sans doute.

Chrysale.
Et je lui veux faire aujourd’hui connoître
Que ma fille est ma fille, et que j’en suis le maître,
Pour lui prendre un mari qui soit selon mes vœux.

Ariste.
Vous voilà raisonnable, et comme je vous veux.

Chrysale.
Vous êtes pour Clitandre, et savez sa demeure ;
Faites-le-moi venir, mon frère, tout à l’heure.