Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 02.djvu/27

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Les bontés que pour moi votre amour vous inspire.


Scène 4

Euryale, Moron, Arbate.

Moron
Heu ! a-t-on jamais vu de plus farouche esprit ?
De ce vilain sanglier l’heureux trépas l’aigrit :
Ô comme volontiers j’aurais d’un beau salaire
Récompensé tantôt qui m’en eût su défaire !

Arbate
Je vous vois tout pensif, Seigneur, de ses dédains ;
Mais ils n’ont rien qui doive empêcher vos desseins,
Son heure doit venir, et c’est à vous possible
Qu’est réservé l’honneur de la rendre sensible.

Moron
Il faut qu’avant la course elle apprenne vos feux,
Et je…

Euryale
Non, ce n’est plus, Moron, ce que je veux ;
Garde-toi de rien dire, et me laisse un peu faire,
J’ai résolu de prendre un chemin tout contraire ;
Je vois trop que son cœur s’obstine à dédaigner
Tous ces profonds respects qui pensent la gagner,
Et le dieu qui m’engage à soupirer pour elle
M’inspire pour la vaincre une adresse nouvelle :
Oui, c’est lui d’où me vient ce soudain mouvement,
Et j’en attends de lui l’heureux événement.

Arbate
Peut-on savoir, Seigneur, par où votre espérance ?

Euryale
Tu le vas voir. Allons, et garde le silence.


PREMIER INTERMÈDE

ARGUMENT

L’agréable Moron laissa aller le Prince pour parler de sa passion naissante aux bois et aux rochers, et faisant retentir partout le beau nom de sa bergère Philis, un écho ridicule lui répondant bizarrement, il y prit si grand plaisir, que riant en cent manières, il fit répondre autant de fois cet écho, sans témoigner d’en être ennuyé ; mais un ours vint interrompre ce beau divertissement, et le surprit si fort par cette vue peu attendue, qu’il donna des sensibles marques de sa peur : elle lui fit faire devant l’ours toutes les soumissions dont il se put aviser pour l’adoucir : enfin se jetant à un arbre pour y monter, comme il vit que l’ours y voulait grimper aussi bien que lui, il cria au secours d’une voix si haute, qu’elle attira huit paysans armés de bâtons à deux bouts et d’épieux, pendant qu’un autre ours parut en suite du premier. Il se fit un combat qui finit par la mort d’un des ours, et par la fuite de l’autre.


Scène première

Moron
Jusqu’au revoir ; pour moi je reste ici, et j’ai une petite conversation à faire avec ces arbres et ces rochers.


Bois, prés, fontaines, fleurs qui voyez mon teint blême,