Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 02.djvu/35

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d’adresse, et je n’aspire maintenant à remporter l’honneur de cette course, que pour obtenir un degré de gloire qui m’approche de votre cœur.

Euryale
Pour moi, Madame, je n’y vais point du tout avec cette pensée : comme j’ai fait toute ma vie profession de ne rien aimer, tous les soins que je prends ne vont point où tendent les autres : je n’ai aucune prétention sur votre cœur, et le seul honneur de la course est tout l’avantage où j’aspire.

Ils la quittent.

La Princesse
D’où sort cette fierté où l’on ne s’attendait point ? Princesses, que dites-vous de ce jeune prince ? Avez-vous remarqué de quel ton il l’a pris ?

Aglante
Il est vrai que cela est un peu fier.

Moron
Ah ! quelle brave botte il vient là de lui porter !

La Princesse
Ne trouvez-vous pas qu’il y aurait plaisir d’abaisser son orgueil, et de soumettre un peu ce cœur qui tranche tant du brave ?

Cynthie
Comme vous êtes accoutumée à ne jamais recevoir que des hommages et des adorations de tout le monde, un compliment pareil au sien doit vous surprendre à la vérité.

La Princesse
Je vous avoue que cela m’a donné de l’émotion, et que je souhaiterais fort de trouver les moyens de châtier cette hauteur. Je n’avais pas beaucoup d’envie de me trouver à cette course ; mais j’y veux aller exprès, et employer toute chose pour lui donner de l’amour.

Cynthie
Prenez garde, Madame, l’entreprise est périlleuse, et lorsqu’on veut donner de l’amour, on court risque d’en recevoir.

La Princesse
Ah ! n’appréhendez rien, je vous prie, allons, je vous réponds de moi.